Le Dernier chant de Lindethiel Le bruissement du vent dans les arbres de la cour ramena
Lindethiel à la réalité. Ce jour là la place de la fontaine était deserte, et
les pensées de la sœur de Nimtolien dérivaient vers de sombres terres.
Vous
avez vécu de nombreuses vies d’hommes sur ces terres, et certains de vos actes
restent encore oubliés des manuels d’Histoire d’Eriador… Les mots de son
frère, à l’encontre de ceux qui soupçonne notre belle cité de se compromettre
dans les ténèbres revenaient sans cesse dans son esprit.
Saisissant son luth, Lindethiel se dirigeait vers la porte
des embruns, là où en tant qu’intendante, elle accueillit nombre d’elfes venant s’établir à Edhellond. Elle parcourut quelques centaines de métres en suivant le sentier longeant le Morthond. La route bifurquait sur la droite, et une pente raide menait à un belvedaire situé à pic de falaise, offrant une vue magnifique sur la Cité d’Edhellond. Le vent ne cessait de croitre, et les
vagues se fracassaient au pied de la falaise grise. Les doigts de Lindethiel
parcouraient lentement les cordes de son luth, et jouaient une mélodie
entrainante, probablement apprise des années et des années auparavant. Mais le bruit du vent étouffa le moindre son sortant de l’instrument.
Ses grands yeux bleus fixèrent maintenant l’horizon… l’Ouest. Elle repensait à sa mère partie au loin, sans doute morte de chagrin. Elle se souvint des paroles d’encouragement de son père,l’incitant à s’exercer
de nouveau au Luth et lui prodiguant des conseils, alors qu’elle n’étaient
qu’une jeune elfe, et que lui et son frère partaient rejoindre Gil Galad au
combat. Puis un nuage sombre assombrit son heureux rêve. Elle décidait de
chanter de sa voix claire, en langue sindarine.
Ô Sarnedhiel qui m’observe, par delà l’ocean, Ô Errumolien qui éclaire ma routeL’étoile du petit matin témoigne de ma finLindethiel ne sera plus qu’un songe, Sa voix claire, oubliée des hommes résonnera auprés des
siensLa jeune elfe ne semblait pas particulièrment satisfaite de
ces vers, qu’elle trouvait trop faibles. Mais, insensible au sens ni à la
beauté de ceux-ci, le vent apporta ces quelques mots jusqu’à la cité... et beaucoup n’eurent aucun mal à reconnaître
la voix cristaline de Lindethiel.
Notre présence sur ces terres n’aura-t-elle comme
récompense que l’oubli de nos héros et de nos actes ? A quoi bon aider les
Hommes si ceux-ci plongent notre lignée dans le deshonneur en nous associant aux ténèbres ?
dit-elle à voix basse…
Nimtolien savait sa sœur vaillante, voire téméraire… mais également particulièrement sensible, et parfois fragile. Comment pouvait elle supporter que des Eriadoriens souillent l’honneur des siens, d’Errumolien, son père mort auprés de Gil Galad lors de la grande bataille de la Dernière Alliance, et de Sarnedhiel, sa mère que la mort frappa par une odieuse machination ?
Maudite soit l’Ombre, Maudits soient ses disciples,Maudit soit l'Eriador et ses fils,
Voués à l’oubli et aux ténèbres…Des larmes remplirent les yeux de l’elfe, et un sanglot se
fit entendre. Elle avait entendu plusieurs fois la fille de son frère,
Earreniel déclarer qu’elle priait chaque jour pour mourir l’arme à la main, en haut des murs d’Edhellond, repoussant l’ennemi. ‘Mais moi…m
oi je n’en suis pas capable’ sanglota Lindethiel… dont les larmes redoublaient. Elle posa son luth, jadis fabriqué et offert par Fandolin, et écarta les bras, donnant l’impression de s’offrir aux tumultes du vent. Puis, son corps bascula dans le vide. Ses dernières pensées furent pour les siens, ses amis, et certains lieux de la vallée du Morthond qu’elle affectionnait particulièrement.
Lindethiel d'Edhellond, fille d'Errumolien et Sarnedhiel n'était plus.